Le gouvernement a engagé les travaux de mise en place d’un étiquetage, voulu par la Loi, pour informer les consommateurs de l’impact environnemental des produits alimentaires. Dans cet objectif, l’Agence de la transition écologique (ADEME) est chargé de l’animation d’ une expérimentation qui compte 20 participants.
Les Français sont de plus en plus attentifs à la qualité des produits qu’ils achètent. Pourtant, 78 % d’entre eux indiquent manquer d’informations sur l’impact environnemental des produits1. Il n’est en effet pas si simple d’obtenir une information claire, concise, prenant en compte l’ensemble de la chaîne de production des produits alimentaires. Plusieurs initiatives privées, apparaissent actuellement comme autant de propositions, très diverses. Dans ce contexte de foisonnement, le gouvernement souhaite construire un cadre collectif transparent qui soit de nature à renforcer la confiance des consommateurs.
Ainsi, en application de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (Article 15), les ministères de la Transition écologique, de l’Économie et des Finances, et de l’Agriculture, avec l’ADEME , ont lancé en septembre 2020 un appel à candidatures. Il s’agit, à travers les projets proposés, de tester différentes méthodes de calcul d’impact environnemental et de formats de communication dans l’objectif de définir un cadre réglementaire pour cet affichage. L’objectif final est de
« Fournir une information sur l’impact environnemental de toutes les étapes de la fabrication jusqu’à l’acheminement des produits alimentaires. Il permet ainsi aux consommateurs de faire des choix plus vertueux grâce une information plus claire, plus lisible et plus homogène ».
Il s’agit, dans la loi du 10 février 2020, d’un affichage volontaire, mais la loi « Climat et Résilience » en cours de discussion au Parlement pourrait le rendre obligatoire.
La phase d’expérimentation achèvera à l’automne 2021. L’ensemble des travaux est conduit par un comité de pilotage, associant les ministères concernés, l’ADEME et l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et s’appuie sur un conseil scientifique indépendant.
Les 20 participants3 à l’expérimentation sont issus du secteur de la distribution, des applications numériques, de la vente en ligne, de représentations sectorielles, de la restauration collective, de cabinets de conseil, et même d’un groupe d’étudiants. Les méthodes d’évaluation appliquent dans presque tous les cas l’analyse en cycle de vie (ACV). L’ACV est parfois couplée à d’autres approches, comme le prévoit la loi, pour mieux couvrir des dimensions telles que la biodiversité ou la notion de saisonnalité. Dans beaucoup de projets, une phase de tests auprès des consommateurs est prévue pour comprendre la lisibilité du format proposé et éventuellement l’influence sur l’acte d’achat.
– Un terreau fécond d’initiatives publiques ou privées, valorisant les travaux entrepris collectivement depuis 10 ans
Lancée par ADEME et INRAE en 2009, pour palier un manque de données reflétant l’impact environnemental des pratiques agricoles en France, la base de données AGRIBALYSE constitue le socle de nombreux projets d’expérimentation. Cette base de données publique construite avec les instituts techniques agricoles et alimentaires et la participation de plusieurs ONG , s’appuie sur la méthodologie de l’Analyse en cycle de vie (ACV). La version 3.0 de la base de données, publiée en 2020, contient les données d’ACV des 2500 produits bruts et transformés. Cependant ses résultats ne correspondent pas à un affichage environnemental ou un « score environnemental » pour le grand-public.
– l’éco-score
Ces travaux s’inscrivent dans les réflexions menées depuis plus de dix ans, au niveau national et européen sur l’affichage environnemental. Plusieurs initiatives de diffusion grand public ont émergé récemment, témoignant de la créativité de ce domaine, ainsi que de la demande sociétale.
Plusieurs participants avaient lancé leurs propres travaux sur l’affichage environnemental avant même de poser leur candidature à l’expérimentation. Parmi ces projets, on peut citer ceux du groupe Casino qui a mis ses travaux, antérieurs à l’expérimentation, à disposition de l’ADEME, les propositions de mise en œuvre de l’approche européenne Product Environnemental Footprint de la société Yukan (à ne pas confondre avec Yuka), La Note Globale, association d’entreprises et de consommateurs, ainsi que le consortium Eco-Score. Cette dernière initiative a bénéficié d’un intérêt médiatique particulier, du fait de la notoriété de ses promoteurs. Elle est portée en effet par une dizaine d’acteurs bien connus de l’alimentation, parmi lesquels Yuka, Marmiton ou La Fourche, et a été annoncée fin janvier 2021 . L’Eco-Score , sur le modèle du « Nutri-Score », est évalué sur une échelle qui va de A à E. Il se base sur des donnés moyennes d’analyse de cycle de vie du produit, qui peuvent être précisées par le fabricant. Les données mobilisées couvrent les étapes de production, transformation, distribution et traitement des déchets). Elles sont complétées par un système de bonus et de malus pour prendre en compte le mode de production (Labels bio, HVE..), le transport, la politique environnementale du pays, la circularité de l’emballage, les espèces menacées .
Les porteurs du projet ont indiqué que l’Eco-Score était «indépendant» du «dispositif d’affichage environnemental», reconnaissant toutefois qu’il était possible de «faire converger» les approches. Plusieurs des porteurs de l’initiative Eco-score, dont Yuka et Open Food Facts, participent d’ailleurs à l’expérimentation. Enfin plusieurs participants à l’expérimentation des secteurs de la distribution ou de la restauration collective ont également prévu de tester l’Eco-Score. La méthode sera donc évaluée dans le cadre de l’expérimentation au même titre que les autres projets.
Le déploiement de projets d’affichage environnemental suscite des débats, principalement sur la question des limites de la méthode ACV pour la prise en compte de certaines dimensions environnementales. En effet, cette méthode est dans son principe à même de transcrire tous les impacts environnementaux d’un produit puisqu’elle évalue tous les impacts de toutes ses composantes, à toutes les étapes de sa vie. Toutefois, elle ne rend pas encore suffisamment compte, par manque de méthodes et de données, des dimensions biodiversité, stockage et déstockage de carbone ou pesticides. Or ces externalités sont importantes à mesurer pour participer à différencier les secteurs de l’agriculture biologique et des élevages herbagers notamment d’autres systèmes de production.
Ainsi, des associations écologistes et de consommateurs ont estimé que les données d’ACV risquaient de « favoriser » l’agriculture intensive, « favorisant les cycles de production les plus courts, donc les plus industriels ». De même, l’interprofession de la viande, Interbev, a estimé qu’en rapportant « les impacts environnementaux aux kilogrammes de produits, la méthode favorise les systèmes d’élevage les plus intensifs ».
Ces arguments ont été entendus des parlementaires puisque les premiers travaux à l’Assemblée Nationale sur l’article 1 du projet de loi « Climat et résilience » marquent la volonté de prendre en compte, pour le secteur alimentaire, des externalités environnementales des systèmes de production évaluées scientifiquement.
La filière viande participe elle aussi à l’expérimentation, et planche actuellement sur une méthode de notation adaptée aux viandes bovines et ovines, qui intègre des critères environnementaux essentiels tels que les services rendus par l’élevage en matière de valorisation des surfaces en herbe, de biodiversité, de stockage du carbone, d’entretien des paysages. De même, l’Institut de l’agriculture et de l’alimentation biologiques, mais aussi plusieurs autres organisations de filière, comme ATLA (produits laitiers), ADEPALE (plats cuisinés), ITERG et Terre-Innovia (corps gras) instituts de R&D ou « Invitation à la ferme », réseau de fermes laitières pratiquant la vente directe ont proposé aussi leur contribution pour affiner les critères et les références de leur domaine respectif. L’ensemble des contributions sera rendu fin juin 2021.
L’expérimentation sera conclue par un bilan transmis au Parlement à l’automne 2021. Il décidera des suites à donner, notamment l’opportunité d’encadrer réglementairement des méthodes issues de l’expérimentation.
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